Religion et laïcité : une ignorance généralisée source de tensions

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Les questions liées au fait religieux et à la laïcité ne sauraient trouver uniquement leurs réponses à travers des textes de loi. Pour Éric Vinson, journaliste au « Monde des religions » et enseignant du fait religieux et laïque à Sciences Po Paris, les tensions actuelles prennent précisément leur source dans un « analphabétisme » national sur ces thématiques.

Un sujet complexe car diversifié

« Le fait religieux dans les secteurs sanitaire social est particulièrement complexe car le champ est immense et divers et qu’il existe des distinctions très nettes dans l’application des règles de laïcité entre les établissements privé et public. Il faut aussi différencier les usagers des professionnels. Malheureusement, les malentendus sont très fréquents entre tous ces paramètres. »

Chiffres et constats du fait religieux et du racisme en France

« Selon une étude publiée en septembre 2016 par l’institut Randstad sur le fait religieux en entreprise, 65 % des salariés interrogés ont observé en 2016 plusieurs manifestations du fait religieux alors qu’ils étaient 50 % en 2015. Les cas conflictuels restent toutefois minoritaires et progressent peu, étant passés de 6 à 9% entre 2015 et 2016. Par ailleurs, concernant les actes racistes, le ministère de l’intérieur a indiqué en 2016, une baisse des actes islamophobes et antisémites mais une augmentation des actes antichrétiens. Cela montre que, pour l’instant, en France, il existe une forme de résilience à la vague d’actes terroristes que nous avons connus, alors que nous aurions pu craindre une explosion de violences et de troubles intercommunautaires (c’est d’ailleurs bien cela que recherche les auteurs des attentats). Mais combien de temps cela va-t-il tenir ? Ne cédons pas au catastrophisme. Mais, dans le contexte actuel, l’urgence est d’éduquer les Français. »

Une ignorance française

« Il règne en effet, en France, chez le grand public, mais aussi les responsables politiques et les élites, un analphabétisme du fait religieux (rituels, symboles, psychologie du croyant…) et de la laïcité. La culture française affiche même parfois un certain mépris de ces questions, allant parfois jusqu’à l’agressivité ou la « religiophobie ». Nombreux sont ceux qui estiment justifié de combattre le croyant et les symboles car ils représentent une forme d’archaïsme, un certain machisme, un obscurantisme. Ainsi, à l’école, on évoque la laïcité comme un catalogue d’interdits, alors qu’il s’agit avant tout d’une protection, une garantie de la capacité de croire ou de ne pas croire, de s’exprimer en public avec un certain nombre de limites » .

« La loi de 1905, d’ailleurs, n’est pas antireligieuse ! Il faut réinvestir rapidement ces questions car l’ignorance généralisée est la mère de tous les vices. Elle empêche la prise en compte des problématiques liées à ces pratiques et les débats de bonne qualité. Une démocratie comme la nôtre, composée d’un ensemble culturel et religieux très diversifié, a besoin d’un haut niveau de conscience et de connaissances sur ces sujets. La loi de 1905 devrait peut-être, elle aussi, avec intelligence et mesure, être revue, mais elle est, paradoxalement, « sacrée ». Le cadre actuel, légal, léger, est en effet essentiel. Mais il ne répond pas à tout et il n’est certainement pas nécessaire de le durcir, cela ne ferait que rigidifier une situation déjà complexe. La laïcité et le fait religieux dans les établissements dépendent surtout d’un souci d’attention à l’autre. Or on ne peut plus, aujourd’hui, se contenter de fermer les yeux, de bricoler des petites recettes, « la laïcité en 10 points ».

Un besoin de formation

“Les réponses aux difficultés rencontrées, souvent individuelles, ne se déclarent pas par décret, mais grâce à l’éducation, à une certaine tolérance mutuelle, une forme de souplesse, mais au sein de la société de manière générale. On ne peut pas séparer la vie professionnelle du climat général au pays. Il faut donc former (formation continue et initiale) les professionnels aux religions et à la laïcité, mais aussi créer des espaces de dialogue et libérer la parole pour faire baisser la pression et mieux se comprendre. Cela ne pourra être fait sans médiateurs, sans libération de la parole et bien sûr, sans garde-fous”.

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