“Au sein de mon équipe, nous sortirons de cette crise encore plus soudés” – Rose-Carole, aide-soignante

aide-soignant aux urgences covid

Comment adapter ses soins durant la crise du Covid-19 ? Quels sont les protocoles mis en place ? Quels sont les changements au quotidien pour les soignants ? Nous avons rencontré Rose-Carole, aide-soignante au service des urgences du CHU de Lille.

Quelles sont vos missions en tant qu’aide-soignante ?

Mon rôle principal est de compenser le manque d’autonomie du patient, c’est-à-dire que je suis là pour l’accompagner dans ce qu’il n’arrive plus à faire. Au sein du service des urgences, j’accueille le patient, je l’installe, je le mets à l’aise, je l’accompagne pour ses examens et je réalise les soins d’hygiène et de confort, notamment si son degré d’autonomie est faible.

Il m’arrive également de transférer les patients de la salle des radios à leur chambre dans le service dédié. Je travaille aux côtés des infirmières, nous formons un véritable binôme !

Quels ont été les changements mis en place durant la crise Covid-19 ?

Le service des urgences a été totalement repensé. Il est désormais séparé en deux entrées distinctes, une pour les patients non-Covid et une autre pour les personnes susceptibles d’être touchés par le virus. Pour accueillir ces patients, nous avons des équipements adaptés (charlottes, masques, surblouses…) et nous avons mis en place des protocoles précis. Gestes barrières, mesures de sécurité, désinfection… tout est organisé pour éviter au maximum la propagation du virus. Par exemple, avant, les box utilisés par les patients étaient nettoyés entre chaque passage, aujourd’hui, nous devons les nettoyer en 2 ou 3 temps avant d’accueillir un nouveau patient. En fait, ce sont des protocoles qui existaient déjà pour certaines pathologies mais, aujourd’hui, ils sont devenus systématiques. Chaque patient qui arrive est également contrôlé, même en zone non-Covid, et s’il y a un moindre doute, on l’envoie dans la zone pour les patients susceptibles d’être contaminés.

Comment votre métier a-t-il été adapté à ces nouveaux besoins ?

Mes missions sont restées les mêmes mais nous nous sommes adaptés à la situation. Je travaille soit dans la zone non-Covid soit dans la zone avec les patients susceptibles d’avoir le virus. On redouble de vigilance pour faire bien attention à respecter les mesures, à avoir les équipements adaptés pour ne pas propager le virus d’une zone à une autre. Psychologiquement, c’est parfois difficile car l’on vit dans l’angoisse d’être porteur sain, à la fois pour les patients mais aussi pour notre famille.

Avec toutes ces précautions systématiques, la charge de travail est évidemment plus lourde mais l’hôpital a anticipé en recrutant du personnel supplémentaire. Comme l’activité de certains services a été réduite, les soignants de ces services sont venus renforcer nos équipes.

Au sein de mon équipe, on communique beaucoup. Au début de chaque prise de poste, chacun dit comment il se sent, les tâches qu’il souhaiterait faire… Même si l’on tourne sur tous les postes, on est vraiment dans l’écoute de l’autre et on s’adapte pour que chacun se sente bien. Certains proposent même de venir en renfort sur leur repos pour aider les collègues, je suis vraiment fière de mon équipe. Je trouve que l’on sortira de cette crise encore plus soudés. Avec la direction et les cadres, il y a aussi une très bonne communication. Dès que l’on a une question, on hésite jamais à appeler les cadres qui se rendent tout de suite disponibles.

Quelles sont les difficultés rencontrées dans cette adaptation ?

Le temps de connaître le virus, de réadapter le service, de former le nouveau personnel… ça a pris quelques jours pour trouver le bon circuit. De manière générale, je trouve que l’on s’est tous adaptés rapidement, il y a tout de suite eu une bonne complémentarité entre collègues, tout le monde a trouvé ses marques et sa place.
Pour le matériel, chacun fait attention de ne pas en utiliser inutilement, tout est pensé pour optimiser les ressources et éviter une pénurie.

Voyez-vous des changements de la part des patients ? Quel est votre ressenti ?

Déjà, en temps normal, il y a toujours une appréhension à venir à l’hôpital. Dans le contexte actuel, cette appréhension est encore plus forte. En arrivant aux urgences et en voyant le personnel en équipements, les patients ont déjà l’impression d’être malades.
Notre rôle est aussi de les rassurer, de leur rappeler qu’ils sont ici parce qu’ils ont des symptômes mais que cela ne veut pas dire qu’ils sont contaminés. On essaie de rendre la chose moins formelle et de détendre l’atmosphère avec des petites blagues par exemple. En les installant dans leur chambre, on leur rappelle aussi que l’on est à leur disposition, ils ne doivent pas hésiter à nous appeler, ils peuvent nous déranger sans aucun souci.

L’écoute et la communication sont très importantes dans notre métier. On explique toujours aux patients la situation, ce qu’il va se passer etc. pour les rassurer, les mettre en confiance et les empêcher de paniquer. On leur rappelle qu’ils sont pris en charge – et c’est le plus important -, que tout le personnel est à leur disposition et on leur détaille le protocole.

Avez-vous en tête un moment marquant depuis le début de la crise ?

Plus qu’un moment en particulier, ce sont les émotions et les expressions sur les visages des patients qui me marquent. Quand ils arrivent aux urgences, ils ont tous ce même regard, une tête de fin du monde. Pour la plupart, ils sont désemparés et nous disent “je ne suis pas sorti de chez moi, je ne comprends pas comment ça a pu arriver” ou encore “je ne pensais pas que ça pouvait m’arriver”… c’est sûr que ce sont des phrases qui marquent.

Je me souviens d’un monsieur atteint d’Alzheimer qui ne se souvenait plus de ce qu’il avait fait dans la journée mais qui n’avait pas pu voir son petit-fils qui venait de naître et qui avait fondu en larmes. Beaucoup de patients que l’on rencontre ici sont seuls depuis le début du confinement, ils n’ont plus personne avec qui parler. Ils ont besoin d’extérioriser, à nous de prendre le temps de les écouter, de les comprendre. Ce n’est pas toujours facile car on les voit dans un temps court, il y a beaucoup de passage aux urgences mais c’est toujours très important.

Que pensez-vous de l’élan de solidarité envers les soignants ?

Quand on entend les applaudissements le soir, c’est sûr que ça nous met du baume au coeur et ça nous renforce dans l’idée que l’on sait pourquoi on fait ce métier. C’est important de se sentir soutenus, écoutés.
Mais, en parallèle, ça nous énerve et ça nous choque toujours de voir que certaines personnes sont encore dehors à se balader. On sait que ce sont des personnes qui sont potentiellement de futurs malades. Après, on conçoit que le confinement est difficile pour tout le monde mais il y a d’énormes conséquences derrière et certains n’en sont pas conscients, c’est dommage. On ne le répétera jamais assez mais : nous restons à l’hôpital pour vous, restez chez vous pour nous ! C’est le soutien le plus important et qui nous permettra de vaincre cette épidémie le plus rapidement possible.

 

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