La perspective d’être titularisé ne séduit plus les contractuels hospitaliers

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 03.03.2020 par Thomas Quéguiner
Article Hospimedia

Passé de mode le statut ? Dans la fonction publique hospitalière, il devient de plus en plus compliqué de convaincre les personnels sous contrat de se titulariser fonctionnaire. La perspective d’être bien moins payé et de ne plus pouvoir bouger les freinent. Certains se posent même la question de se “détitulariser” pour rebasculer contractuel.

 

Chez les masseurs-kinésithérapeutes, les conditions salariales sont aujourd’hui bien plus favorables aux nouveaux entrants qu’aux titulaires. Difficile de donner envie de lâcher son contrat pour embrasser une carrière de fonctionnaire.

Les hospitaliers ont compris que ce n’est pas une meilleure protection d’être titulaire que d’être contractuel.” Ce constat, il a été unanimement dressé le 31 janvier à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) par les participants à la journée d’étude de l’Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (Adrhess). Car la réalité du terrain, à l’heure où la loi de transformation de la fonction publique sortie l’été dernier tend justement à promouvoir le contrat, c’est que de plus en plus de contractuels “ne veulent plus être titularisés. Cette perspective ne séduit plus.” Il fut un temps pourtant pas si lointain où le versant hospitalier passait pour le mauvais élève de la fonction publique faute de réussir à résorber ses emplois précaires (lire ici et nos articles).

Ne “plus s’enfermer dans un statut”
L’évolution actuelle ne reflète pas tant un problème culturel qu’un “problème d’intérêt“, acquiescent tant le président de l’Adrhess et par ailleurs directeur des ressources humaines du CH intercommunal (CHI) de Créteil (Val-de-Marne), Matthieu Girier, que sa consœur du CH Sud-Francilien à Corbeil-Essonnes (Essonne), Marie Muller, la coordinatrice générale des soins du CH de Valenciennes (Nord), Marie-Chantal Guillaume, ou encore Me Guillaume Champenois, avocat associé au sein du cabinet Houdart. Certes, “la finalité c’est d’avoir des titulaires” mais le fait est, à les entendre, que les hospitaliers ne souhaitent “plus s’enfermer dans un statut” pour conserver une certaine mainmise sur leur mobilité et leur rémunération. Et dans un système totalement “schizophrène” qui très clairement “se mord la queue“, certains agents n’hésitent pas à réclamer une mise à disposition pour ensuite redevenir contractuels, voire cas extrême à envisager d’aller jusqu’à la “détitularisation“.

Difficile, il est vrai, comme le souligne Marie Muller, de donner envie à un masseur-kinésithérapeute ou à un manipulateur en électroradiologie médicale de lâcher son contrat pour embrasser une carrière d’agent public si cela signifie, en retour, une absence de revalorisation pendant dix voire quinze ans parfois. Sur ces métiers, “les conditions salariales sont aujourd’hui bien plus favorables aux nouveaux entrants qu’aux titulaires : les disparités de rémunérations sont criantes.” Par conséquent, certains professionnels se posent très clairement cette question d’une détitularisation même si, au CH Sud-Francilien par exemple, il n’y a “pas encore eu de passage à l’acte“. Sur ce sujet en tout cas, on reste donc tout proche de “l’épiphénomène“. Mais pour combien de temps encore ?

La rupture conventionnelle n’a pas vraiment la cote

Transposée depuis début janvier dans la fonction publique, la nouvelle procédure de rupture conventionnelle ne devrait guère faire des émules chez les hospitaliers, à tout le moins à entendre leurs responsables des ressources humaines (lire notre article). Outre le fait qu’elle ne suscite sans surprise “aucun intérêt” sur les métiers en tension, elle ne peut être en soi qu'”une solution qui ne règlera pas tout“. Pas question donc, pour citer Matthieu Girier, d’espérer régler des “situations enkystées“, se séparer de tel ou tel agent qui pose souci d’un coup de “baguette magique” ou solutionner ses problématiques de recrutement.

Plutôt que cette “vision opportuniste” du dispositif, le président de l’Adrhess défend une approche “intégrative” de la rupture conventionnelle “qui accompagne les personnels qui souhaitent bouger», soit au sein du secteur public, soit vers le privé. Cela suppose de dûment définir les hypothèses pouvant ou non ouvrir droit à ce dispositif. Au risque sinon de créer un précédent qui aura vite fait d’être vu comme un acquis.

Des “risques juridiques et financiers”

Car l’idée sous-jacente qui germe dans plus d’une tête hospitalière est bel et bien : “Et si je devenais contractuel pour négocier mon évolution de carrière et inverser le rapport de force ?” Cependant, met en garde Guillaume Champenois, détourner le statut pour permettre à un professionnel de santé d’être mieux payé offre en retour de sérieux “risques juridiques et financiers“. Théoriquement par exemple, et la justice administrative s’est déjà prononcé sur ce sujet, il est illégal de faire signer un contrat de travail à un agent titulaire dans sa propre administration. Et sa mise à disposition n’y change rien. Quant à le détitulariser, le risque pour l’employeur n’est pas complètement nul.

Un bémol cependant. Un cas récent, bien que totalement “hors cadre légal“, est avéré à l’occasion d’un transfert d’établissement sanitaire de statut privé à public. L’un des salariés ainsi repris a tout d’abord choisi d’intégrer la fonction publique hospitalière avant, au bout d’un an tout juste, de demander sa détitularisation. Il souhaitait revenir sous contrat et préserver ainsi son niveau de rémunération passée, nettement plus élevé dans le privé, mais surtout ses capacités d’évolution. Le risque pour l’établissement, c’est d’être ici rattrapé pour avoir accordé une rémunération “disproportionnée” à un contractuel.

Comment dès lors parvenir à combler, par exemple, ces quelque 500 euros d’écart salarial qu’il peut y avoir pour un infirmier entre un hôpital et une clinique qui se font face ? En théorie, l’hôpital peut “quasiment tout faire si la continuité du service public hospitalier en dépend”, relate l’avocat, et que cela évite, pourquoi pas, de fermer les urgences. Mais si le risque juridique et financier paraît sécurisé, cette “course à l’échalote” extra voire intrahospitalière peut rapidement déconstruire toute une organisation et “la faire s’écrouler comme un château de cartes“, prévient Guillaume Champenois.

 

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