La prévention des risques psychosociaux s’essouffle à l’hôpital faute de résultats

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 08.04.2018 par Thomas Quéguiner
Article Hospimedia

Accompagnés fin 2012 par la DGOS pour prévenir les risques psychosociaux, dix hôpitaux ont été passés au crible par l’Anact. Au fil des ans, l’audit confirme une certaine lassitude des acteurs par manque de résultats “tangibles”, surtout sur l’absentéisme ou le turn-over. Sept expériences et quinze leviers sont proposés pour relancer la dynamique.

Partout, on ressent un certain essoufflement des démarches liées à la difficulté à voir des résultats tangibles en matière d’amélioration des conditions de travail et à la multiplicité des réorganisations menées en parallèle qui perturbent l’évaluation possible et qui, surtout, sont perçues comme des causes de dégradation des conditions de travail en contradiction avec les efforts locaux de prévention.” Ce constat, c’est l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) qui le dresse dans une évaluation des démarches de prévention des risques psychosociaux (RPS) dans dix établissements publics de santé (lire ici et nos articles). Réalisée à la demande de la DGOS, elle a été publiée le 2 avril (à télécharger ci-dessous). Mené sur le tard entre octobre 2017 et mai 2018, cet audit se veut “un regard rétrospectif” sur des démarches mises en place à compter de la fin 2012, en réponse à un appel à projets du ministère des Solidarités et de la Santé. À la clé à l’époque pour les dix hôpitaux concernés : un appui financier sur trois ans des pouvoirs publics pour engager leurs actions.

 

RPS ou QVT ? La question divise directions et syndicats
Dans sont audit, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) fait état d’une “tendance” dans les établissements à “passer d’un traitement du sujet “prévention des risques psychosociaux (RPS) à une approche élargie qualité de vie au travail (QVT) ». Avec l’objectif affiché par leur direction de “sortir d’une vision trop axée sur les risques liés à la santé et la souffrance et [d’]élargir la façon de prendre en compte les questions de santé au travail ». Cependant, il en résulte une “réticence globale” des syndicats à aborder les RPS sous ce prisme de la QVT. Leur crainte est d’y noyer les problèmes classiques des conditions de travail (charge, absentéisme, effectifs…) et de se restreindre à la notion de bien-être et autres aménagements de l’environnement du travail.

 

Une prise de conscience “significative”…
Certes, et l’Anact s’en félicite, “une prise de conscience significative des principaux acteurs” en matière de prévention des RPS s’observe sur le terrain et “la plupart des établissements continuent à développer des actions” en ce sens. Pour autant, “leur histoire — pour beaucoup avec des ruptures d’acteurs, des bouleversements des situations économiques et sociales — a pu fragiliser des plans structurés et durables ». Turn-over important des agents et des cadres, plans de retour à l’équilibre et autres restrictions budgétaires et réorganisations de services omniprésents, groupements hospitaliers de territoire (GHT) “chronophage », dialogue social rigidifié, médecine du travail en berne… Il est vrai que le contexte actuel de transformation des hôpitaux complique la donne, note l’Anact.

On ne peut pas conclure à un lien direct entre forte mobilisation sur la prévention des RPS et réduction de l’absentéisme et du turn-over.
L’Anact

Sans compter que les indicateurs d’effets s’avèrent insuffisants, en premier lieu sur l’absentéisme et le turn-over (lire notre article). D’ailleurs, “il n’a pas été possible de conclure à des liens entre les actions engagées en matière de prévention et l’évolution de ces taux». Deux facteurs à cela : un benchmark entre établissements compliqué en raison de bases de calcul différentes ; une comparaison en interne elle aussi peu concluante dans le temps à cause de “multiples effets des transformations des organisations sur la santé». En résumé, “on ne peut donc pas conclure à un lien direct entre forte mobilisation sur la prévention des RPS et réduction de l’absentéisme et du turn-over». Or, sur des sujets aussi prégnants, ça ne peut qu’engendrer une certaine lassitude sur le terrain.

 

La “montée en puissance” des psychologues
Pénurie en médecin du travail oblige, les psychologues occupent une place “grandissante” dans la prévention des RPS, constate l’Anact. “Souvent intégrés dans la cellule de santé au travail-prévention-médecine et ou direction des ressources humaines », ils disposent en effet d’«information qualitatives intéressantes” sur la vie des services. Conséquence : ils sont ainsi “de plus en plus présents dans la gestion de la prévention […] avec une approche […] de prévention tertiaire auprès des agents en difficultés». Mais leur “montée en puissance” prend également l’aspect d’une démarche “de plus en plus collective et en prévention secondaire et primaire avec des interventions auprès du management, dans les services lors de difficultés particulières ou en amont de transformations». D’où la nécessité, pour l’Anact, de “mieux intégrer” les psychologues dans les dispositifs de qualité de vie au travail.

 

… mais une mobilisation qui “peine à s’installer”
Autre écueil soulevé par l’Anact : la mobilisation “peine à s’installer” en prévention primaire au contraire de ses pendants tertiaire (dispositif d’écoute) ou secondaire (formation). “Au mieux, elle se développe dans un service à un moment donné dans une action précise et limitée dans le temps mais la diffusion large de l’action reste problématique.” En retour, l’association souhaite donc bel et bien “relancer des dynamiques parfois essoufflées” et fournit pour cela sept expériences “notables” à valoriser issues de quatre hôpitaux. Elles ont trait à : la conduite du changement en cas de fusion ou de construction d’un nouvel hôpital ; le renouvellement des pratiques managériales ; le soutien à l’encadrement ; la convergence médico-soignante ; le soutien aux médecins et la coopération avec les autres acteurs ; les espaces de discussions ; l’évaluation des actions.

À cela s’ajoutent quinze leviers “pertinents”, dixit l’Anact, pour favoriser “le développement et surtout la pérennité” des actions de prévention des RPS, entre autres :

  • l’implication de la direction au plus haut niveau et dans la durée ;
  • le portage paritaire, pluridisciplinaire et la participation continue du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;
  • la permanence des acteurs porteurs du projet mais “un bon passage de relais pourra atténuer grandement” le risque dilution en cas de turn-over ;
  • la qualité de la communication et la capacité à gérer des actions à court, moyen et long terme…

 

 

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