La valorisation de l’infirmier d’accueil et d’orientation nourrit le débat aux urgences

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 31.05.2017 par Thomas Quéguiner
Article Hospimedia

Un médecin d’accueil et d’orientation (MAO) a-t-il sa place aux urgences ? La question divise les urgentistes réunis en congrès à Paris. Pour certains, l’infirmier d’accueil (IAO) doit être le seul effecteur soignant à l’entrée. Cela suppose que les médecins acceptent d’élargir son champ d’autorité et de compétence. Un long chemin en perspective.

Faut-il systématiser à l’entrée des urgences la présence d’un médecin d’accueil et d’orientation (MAO) en plus de l’infirmier (IAO) ? Telle est la controverse médico-soignante soulevée d’entrée ce 31 mai à l’occasion de la première journée du congrès Urgences 2017 organisé à Paris. Selon l’enquête nationale menée en juin 2013 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 71% des services d’urgences disposaient à cette date d’un IAO* mais seuls 12% d’un MAO (lire notre article). Sur le sujet, les urgentistes sont partagés.

Un “complément” à l’infirmier d’accueil

Certes, comme l’a relaté le Dr Pierre-Geraud Claret du CHU de Nîmes (Gard), la littérature scientifique semble très majoritairement pousser à ce binôme MAO-IAO. Se fondant sur diverses études randomisées anglo-saxonnes et des méta-analyses de travaux publiés, il ne cache pas que “tous les diagrammes militent en faveur d’un médecin au triage car sa présence améliore les différents paramètres et indicateurs“. C’est le cas de la durée moyenne de séjour (DMS), qui diminue, mais aussi du taux de sortie sans avis médical, du temps d’attente avant la première consultation ou encore du délai d’accès à l’imagerie. Autre atout avancé : un codage affiné qui réduit les surcotations de patients. En revanche, cette présence médicale n’influe pas de manière probante sur le nombre d’événements indésirables et la satisfaction patient. Elle n’est en outre source d’aucune économie. En soi, à entendre l’urgentiste nîmois, l’idée n’est pas tant d’avancer qu’un MAO agit “mieux” qu’un IAO au triage mais qu’il offre “un complément“, en premier lieu dans les grands services d’urgences avec des effectifs en nombre mais une longue DMS. Le praticien peut ainsi accélérer la venue dans le service de l’interne de radiologie, lire un électrocardiogramme (ECG) dès la phase de tri, orienter vers une maison médicale de garde, etc. Le tout suppose préalablement à cette installation d’un MAO de répondre à trois questions : “En avez-vous besoin ? En avez-vous les moyens ? Pour quoi faire ?

Un élément “confusiogène” dans la prise en charge

Cette position est cependant très nettement tempérée par le Dr Christophe Choquet de l’hôpital Bichat à Paris (Assistance publique-hôpitaux de Paris, AP-HP). Outre l’aspect à ses yeux fortement discutable des arguments puisés dans la littérature scientifique, un “principe de réalité” s’impose : le nombre aujourd’hui criant de postes d’urgentistes vacants (120 l’an dernier sur la seule Île-de-France), qui ne rend “pas viable” la présence d’un MAO. S’ajoute à cela “une erreur conceptuelle majeure” qui voit s’entremêler triage et diagnostic, deux approches pourtant foncièrement différentes, souligne l’urgentiste parisien. Enfin, l’erreur s’avère également “organisationnelle“, le MAO ne pouvant qu'”interférer” dans la prise en charge et y ajouter “un élément confusiogène“. S’il peut être nécessaire ponctuellement pour un IAO de disposer d’un avis médical au triage, cela suppose avant tout une “présence transitoire” et une disponibilité “prédéfinie” d’un médecin référent, aucunement l’existence formalisée d’un quelconque “médecin trieur“. Et le praticien parisien l’assure, un MAO n’offre “aucune valeur ajoutée” en matière d’ECG, d’antalgie, de septicémie ou d’accès à la radiologie. Dès lors, à l’entendre — et ses propos ont reçu d’ailleurs l’assentiment de plusieurs infirmiers dans l’assistance du congrès — “la vraie solution” repose sur “un IAO reconnu à l’égal d’un infirmier anesthésiste (Iade) ou d’un infirmier de bloc opératoire (Ibode)“.

Une totale révolution” des urgences

Par cette reconnaissance de l’IAO comme “seul effecteur soignant à l’accueil“, c’est l’idée, pour Christophe Choquet, de lui permettre de prescrire une sortie vers la médecine générale mais aussi de le former à la prescription de morphine ou d’un acte de radiologie. En somme en faire une sorte de “nurse practitionner“. De quoi, selon lui, améliorer la qualité des soins, réduire les délais et améliorer la satisfaction patient. Pour autant, parvenir à cette évolution suppose pour les urgentistes d'”accepter la coresponsabilisation” de leur service avec cet infirmier et de “sacraliser” ce partage. “Les praticiens doivent être prêts à lâcher de leurs compétences pour faire de l’IAO un vrai collaborateur et non seulement leur exécuteur“. Mais cette “totale révolution” qui implique de “transmettre à cet infirmier une partie de la fonction managériale des urgences” n’est pas une mince affaire, à entendre le médecin de l’AP-HP. Elle permettrait pourtant, d’après lui, d’apporter un soutien plein et entier au “poste le plus casse-gueule du service des urgences“. Encore faut-il qu’en décidant de faire porter à l’IAO l’entière responsabilité de la filière de médecine générale s’en suivent une réelle formation ainsi qu’un effort de rémunération. Or, comme le notait la Drees à l’issue de son enquête nationale menée en juin 2013, les IAO n’étaient alors pas pour plus de la moitié d’entre eux formés spécifiquement à leur fonction de tri des patients. Quant à leurs grilles de tri, complète l’urgentiste de Bichat, elles sont trop souvent “pompées sur le web” et se révèlent “inapplicables“.

 

* Par catégorie d’établissements, les IAO sont prioritairement présents en CHU-CHR (95%) puis en cliniques (71%), en CH (66%) et en secteur privé non lucratif (64%).

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