Près d’un quart des infirmiers, “vidés émotionnellement”, envisagent de changer de métier

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 10.04.2018 par Clémence Nayrac
Article Hospimedia

83% s’avouent vidés émotionnellement par leur travail. Près d’un quart des infirmiers français confient même envisager “très souvent” de cesser leur activité, y compris les plus jeunes. Le mal-être de la profession s’exprime ce 10 avril dans une enquête menée par l’Ordre infirmier. Il alerte les pouvoirs publics sur une situation “gravissime”.

Épuisement, charge de travail trop importante, agressivité ambiante… le mal-être infirmier s’exprime. Une enquête, dévoilée ce 10 avril par l’Ordre national infirmier (Oni), met des mots et surtout des chiffres alarmants sur cette souffrance. 83% des 18 653 infirmiers répondants* affirment se sentir “très souvent” ou “parfois” émotionnellement vidés par leur travail. “C’est une surprise, nous savions qu’il y avait un malaise mais ces proportions sont très inquiétantes. Par ailleurs, le fort taux de réponses montre que les infirmiers ont besoin de s’exprimer sur ce mal-être”, commente pour Hospimedia le président de l’Oni, Patrick Chamboredon. Un état de mal-être qui a des conséquences sur l’efficacité professionnelle, la vie sociale, familiale et la santé, pour plus de 90% d’entre eux.

Un rythme de travail soutenu
Un quart des sondés déclare travailler régulièrement ou fréquemment sept jours ou plus consécutifs. C’est le cas en particulier de 51% des infirmiers libéraux ou en exercice mixte. Sur l’ensemble des infirmiers interrogés, 14% déclarent en outre travailler six voire sept jours par semaine. Un chiffre plus important également chez les libéraux et en exercice mixte (26%). Une majeure partie de la profession, soit 60%, travaille 12 heures ou plus par jour. C’est donc l’amplitude horaire courant chez les infirmiers, souligne l’Oni. Cette situation est plus marquée encore chez les libéraux, avec près de 80% des répondants. Quid du travail de nuit ? Il concerne 23% des répondants, dont 10% affirment travailler en alternance de nuit et de jour. Cela concerne en revanche plus d’un tiers de salariés, dont 17% sont en alternance jour/nuit. Seul un peu plus d’un infirmier sur dix déclare ne jamais travailler le week-end. Une réalité quasi-inexistante chez les infirmiers libéraux ou en exercice mixte (0,5%).

La charge de travail, premier facteur de mal-être

Parmi les causes déclarées de mal-être, la charge de travail ressort très nettement comme étant le facteur le plus important. Il est cité comme important ou très important par 79,4% des sondés. Viennent ensuite, parmi les causes “très importantes”, les violences et l’agressivité ambiante (28%), la relation avec la hiérarchie (24%), les aspects financiers (21%) ou encore la relation avec les collègues et autres professionnels de santé (21%). La complexité technique des actes est finalement la réponse la moins citée (3%). À noter par ailleurs : l’importance des choix éthiques et déontologiques, jugés importants ou très importants par près de la moitié des personnes interrogées (49%). L’enquête met de plus en lumière la préoccupation financière spécifique à l’exercice libéral, puisque ce facteur arrive en deuxième position parmi les professionnels qui pratiquent ce mode d’exercice.

 

 

 

Au-delà des facteurs, l’enquête s’est intéressée aux symptômes d’épuisement. Les infirmiers se déclarent donc en grande majorité vidé par leur travail. 43% des répondants expliquent se sentir très souvent à bout au terme de la journée de travail. Une part quasi-identique (42%) déclare que la fatigue se fait sentir dès le matin, avant même d’avoir à affronter leur journée de travail. Conséquence de ce mal-être, 22% des répondants, soit près d’un quart, avouent envisager “très souvent” de quitter la profession. Cette préoccupation touche y compris les plus jeunes, puisque 17% des infirmiers âgés de 21 à 29 ans l’envisagent également.

“C’est gravissime”, regrette le président de l’Oni. Non seulement parce que le diplôme d’infirmier est un diplôme d’État qui offre donc peu d’équivalence et nécessite de reprendre un cursus complet en cas de reconversion, “cela montre à quel point la souffrance des professionnels est forte”. Mais c’est aussi inquiétant pour l’offre de soins en général : “le nombre d’infirmiers formés est fixé par arrêté, cela va poser un problème démographique, sans compter l’investissement des régions dans la formation”, précise Patrick Chamboredon.

65% renoncent à un arrêt de travail

Plus largement, l’Oni décèle des syndromes d’épuisement professionnel chez près de 12 800 répondants sur les 18 653, avec des conséquences directes sur la santé. Ils sont notamment un quart des sondés à avoir déjà consulté un psychiatre ou un psychologue pour des questions liées à leur travail. Pourtant plus de 65% d’entre eux ont “renoncé dans les deux dernières années à s’absenter pour maladie alors même que leur état le justifiait”, insiste l’ordre. 9% confient également avoir déjà eu des idées suicidaires, de “parfois” (7%) à “très souvent” (2%). Face à ce mal-être, l’Oni a décidé d’enrichir son dispositif d’entraide en créant Solidarité ordinale infirmière (lire encadré). Il interpelle enfin les pouvoirs publics en soulignant l’urgence de mieux considérer l’épuisement professionnel des soignants et le risque qu’il présente pour les patients. Le sujet sera notamment abordé ce 11 avril au sein du conseil national de l’Oni.

Solidarité ordinale

L’Ordre des infirmiers rejoint celui des médecins pour animer sa plateforme d’entraide. Un numéro unique d’aide aux soignants leur permet d’être en contact avec des psychologues cliniciens formés. Ils peuvent ainsi bénéficier d’un soutien psychologique ou d’une orientation vers un service hospitalier dédié aux soignants, être réorientés vers le conseil départemental de leur lieu d’exercice ou encore vers les services nationaux de l’Oni pour toutes questions déontologiques, juridiques ou encore administratives. Ce besoin d’écoute a été exprimé au sein de l’enquête : 32% des répondants se sont dits prêts à utiliser un tel service s’il leur est proposé.

* L’Ordre national infirmier a interrogé ces professionnels, tous modes d’exercice confondus, du 30 mars au 7 avril 2018.

 

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