Des centaines de soignants manifestent pour avoir les moyens d’une psychiatrie “plus humaine”

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 23.01.2019 par Caroline Cordier
Article Hospimedia

Une journée nationale d’action a réuni plusieurs centaines de manifestants, venus de plus d’une quinzaine d’hôpitaux publics, voulant alerter sur l’insuffisance des moyens alloués à la psychiatrie pour “accueillir et soigner dignement” les patients.

La psychiatrie que l’on veut, c’est celle qui soigne !“, “la pédopsychiatrie n’en peut plus“, “de l’humain pour la santé, Buzyn des moyens“, “hôpital en souffrance, hostérité [sic] !“. Pour faire collectivement entendre les alertes qui se sont multipliées ces derniers mois au sein de différents établissements hospitaliers, qu’ils soient hôpitaux généraux, universitaires ou spécialisés, une journée nationale d’action pour défendre la psychiatrie a été organisée le 22 janvier à Paris (lire notre article).

Malgré les températures négatives et les premières chutes de neige de l’année, plusieurs centaines de manifestants ont répondu à l’appel, initialement lancé par le collectif de soignants du CH Philippe-Pinel d’Amiens (Somme). “Ce n’est pas le temps qui va nous arrêter… même quand il neige il y a toujours des soignants présents dans les hôpitaux pour prendre soin des patients“, a relevé un représentant du collectif appelant au “printemps de la psychiatrie“. Et les quelque 300 premiers arrivants, réunis en fin de matinée place de la République, ont été ensuite rejoints par d’autres professionnels — infirmiers, aides-soignants, psychologues, psychiatres, etc. — et usagers au fil de la progression du cortège qui s’est dirigé dans l’après-midi vers l’Assemblée nationale. Pour atteindre “au plus fort de l’événement“, selon le collectif Blouses noires, plus de 800 manifestants représentant près d’une quinzaine d’établissements (lire aussi l’encadré).

Avant que le cortège ne s’ébranle, différents intervenants représentants de collectifs locaux ou syndicaux se sont succédé à la tribune montée pour l’occasion, pour faire entendre des revendications, entrecoupées par des huées régulières à l’évocation des tutelles, et particulièrement des ARS, “agences régionales de la souffrance“. Celles-ci sont pêle-mêle blâmées pour les modalités de répartition des budgets aux établissements ou encore soupçonnées de vouloir “abandonner la gestion des soins sans consentement aux préfectures“. Les 50 millions d’euros (M€) annoncés en toute fin d’année 2018 par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, pour la discipline sont qualifiés par certains de “saupoudrage” de moyens, “largement insuffisants“, et dont “on ne connaît pas les clés” de répartition. Mais “les mouvements des hôpitaux du Rouvray, Le Havre, Amiens, Niort, Moiselles, Paris, etc. ont su bousculer l’indifférence médiatique“, se réjouissent les manifestants, tout en déplorant qu’il aura notamment fallu une grève de la faim — au CH du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime) — pour alerter sur “le chaos qui guette la psychiatrie“.

Manifeste pour un “renouveau” des soins

Plusieurs de ces attentes sont exprimées dans un “manifeste pour un renouveau des soins psychiques” diffusé à cette occasion, expliquant que “ce qui est en crise aujourd’hui, c’est l’hospitalité de la psychiatrie, l’attention primordiale accordée à chacun et à un soin psychique cousu main“. Depuis déjà plusieurs années, expliquent les soignants, les acteurs de la psychiatrie et pédopsychiatrie ne cessent de dénoncer “le déclin dramatique des façons d’accueillir et de soigner“, les fermetures de lit et les réductions d’effectifs. Moins de soignants entraîne notamment le risque d’un recours plus fréquent aux mesures de contrainte de patients, faute de temps par exemple pour prévenir des crises. “Nous voulons suffisamment de personnels pour en finir avec l’augmentation continuelle du recours à l’isolement et à la contention“, soulignent-ils.

Si le budget de la psychiatrie, “sans cesse rogné depuis des années, doit être largement revalorisé, c’est l’appauvrissement des relations au sein des lieux de soins qui est notre souci premier“, insistent les soignants présents. Et les slogans dessinés sur les banderoles et les blouses d’appuyer ce message au sein du cortège : “infirmier non corvéable, pas une machine“, porte un représentant de la Psychiatrie parisienne unifiée dans son dos, “soignants en burn out, patients négligés“, appuie une autre venue de Niort (Deux-Sèvres) sur son vêtement de travail. Les revendications tournent ainsi beaucoup sur le besoin de “s’appuyer sur les équipes stables avec des personnels non interchangeables“, l’insuffisance des formations, etc. Le manifeste vient d’ailleurs souligner que “contrairement à la tendance actuelle qui voudrait que la maladie mentale soit une maladie comme les autres“, pour les signataires, la psychiatrie est une discipline “qui n’est médicale qu’en partie” et le “renouveau des soins” doit reposer sur “la reconnaissance de la primauté du soin relationnel“.

Scepticisme sur les annonces à venir

Alors qu’un peu plus tôt dans la matinée, Agnès Buzyn a déclaré lors de ses vœux à la presse qu’elle annoncerait le 24 janvier des “mesures renforcées” pour la psychiatrie (lire notre article), cette perspective a été accueillie a priori avec beaucoup de scepticisme parmi les quelques psychiatres et soignants interrogés sur place, tant les “besoins sont grands“. Les Picards présents ont notamment rappelé qu’il a fallu mener sept mois de grève et tenir un campement jour et nuit pendant plus de douze semaines ou encore s’enchaîner aux grilles de l’ARS pour que les choses bougent et pour être “enfin entendus“.

Si des annonces portent sur d’éventuelles rallonges budgétaires, un responsable syndical parisien estime que se poseront toujours de toute façon les problématiques d’inégalité du financement des établissements psychiatriques selon les régions et le fait que les budgets dédiés dans les hôpitaux généraux et universitaires ne sont pas intégralement alloués aux services psychiatriques. Une situation sur laquelle ont alerté récemment 120 psychiatres dans un courrier à la ministre (lire notre article), alors que cette dernière s’est engagée il y a un an à la préservation de ces budgets. La question de l’attractivité des postes hospitaliers est aussi évoquée, avec près de 30% de postes de praticiens vacants, selon les syndicats. Des problématiques que les représentants de la psychiatrie ont également abordées lors des auditions menées actuellement* au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale par la députée Martine Wonner (LREM, Bas-Rhin). Mais si d’importantes réformes sont prévues pour la discipline en 2019 (financement, autorisation, organisation des professionnels en proximité, etc.), sans traduction concrète à court terme sur les conditions de travail sur le terrain en régions, les mouvements pourraient sans doute reprendre de plus belle dans les mois qui viennent en perspective de ce “printemps de la psychiatrie” tant attendu…

Les soutiens au mouvement

Parmi les soutiens affichés à la manifestation, présents le 22 janvier à Paris ou ayant fait connaître leur appui aux actions de défense de la psychiatrie dans ce cadre, figurent notamment : les collectifs Pinel en lutte, Blouses noires, Les Psy causent, Psychiatrie parisienne unifiée, Psy Saint-Jacques de Nantes (Loire-Atlantique), Humapsy, Hôpital de Niort en lutte, la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Hôpitaux en lutte, le Collectif national des psychologues hospitaliers, l’Intercollège des psychologues hospitaliers, le Syndicat national des psychologues (SNP), l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API), le Collectif des 39, l’Union syndicale de la psychiatrie (USP), le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam), la fédération Sud Santé sociaux, les syndicats Sud, CGT et CFDT du CH Guillaume-Régnier à Rennes (Ille-et-Vilaine), la délégation CGT du Centre psychothérapique de Nancy (Meurthe-et-Moselle), du CH de Lavaur (Tarn), de l’EPSM de Caen (Calvados), de l’ESPM de la Sarthe, du CH Esquirol de Limoges (Haute-Vienne), du CH du Vinatier à Bron (Rhône), du Centre de santé mentale angevin (Cesame) à Angers (Maine-et-Loire), du CHS de Sevrey (Saône-et-Loire), etc.

 

* La députée a expliqué le 22 janvier au micro de La Chaîne parlementaire qu’il y aurait une restitution de premières propositions de sa mission sur le financement de la psychiatrie “tout début février” devant la commission des affaires sociales.

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