Améliorer la santé des professionnels de santé : quels axes concrets ?

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Le 9 octobre dernier, Marine Crest-Guilluy, Alexis Bataille-Hembert et Philippe Denormandie ont remis leur rapport sur la santé des professionnels de santé à la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé Agnès Firmin-Le Bodo.

Après plusieurs mois de travail et le lancement d’une consultation nationale, la mission a observé “une multitude d’initiatives visant à améliorer la santé et le bien-être des professionnels de santé.” mais “un manque de coordination et de visibilité au niveau national.

Après une première partie sur l’état des lieux de la santé des soignants et un aperçu d’initiatives internationales, le rapport préconise différents leviers à activer, à travers 6 axes stratégiques.

Axe 1 : Intégrer le sujet de la santé des professionnels de santé comme une priorité de notre système de santé publique à tous les niveaux

La santé des professionnels de santé doit venir une priorité dans notre système, ce qui implique un vrai changement de paradigme. Cela passe d’abord par la reconnaissance et le partage collectif du sujet. La mission propose par exemple d’inclure un volet « santé des professionnels de santé » dans les projets d’établissements et les projets sociaux. “Celui-ci sera décliné en plan d’actions pluriannuel et indicateurs devant être présentés annuellement devant l’ensemble des instances des organisations et de manière semestrielle dans l’ensemble des conseils de services et des pôles.
Autre point souligné : l’importance d’acculturer la population au respect des professionnels, de condamner et de sanctionner toutes actions de violences à leur égard.

Ensuite, le changement de paradigme se fera par la valorisation des initiatives de terrain et des territoires. Concrètement, la mission propose de partager les bonnes pratiques et de promouvoir une banque d’expérience à travers les initiatives déjà recensées sur une plateforme dédiée du ministère de la santé et de la prévention, de créer “un référentiel commun afin d’accompagner les acteurs à améliorer le bien-être et à préserver la santé des professionnels de santé et des étudiants” et de mettre en place des stratégies de communication, sur les réseaux sociaux mais aussi à grande échelle.

Enfin, il est nécessaire de produire de la connaissance. La mission a identifié plusieurs leviers de recueil de données, comme la DRESS par exemple. Elle insiste aussi sur “le soutien à apporter à la recherche paramédicale dans le champ de l’amélioration de la santé des professionnels de santé comme une orientation du programme hospitalier de recherche paramédicale.

Axe 2 : Sensibiliser et former les professionnels de santé à veiller à leur propre santé

La mission propose d’abord d’installer la thématique de la sensibilisation et de la formation des professions de santé à leur propre santé dans les cursus de formation initiale, continue et les parcours professionnels. Par exemple, en préconisant “la formalisation d’une unité d’enseignements (pour les formations universitaires) et/ou d’un module (pour les formations non intégrées à l’université) dédié à la santé des professionnels” pour la formation initiale ou encore en identifiant “une spécialité d’exercice professionnel traitant de la « Santé des Professionnels de Santé ».

Ensuite, la mission préconise d’inclure dans la formation initiale des cadres, directeurs, encadrants et formateurs une unité d’enseignements et/ou un module dédié à la santé des professionnels de santé.

Enfin, il est important de connaître et faire connaître les enjeux liés à l’amélioration de la santé des professionnels, via des manifestations dédiées ou en prenant la parole sur le sujet lors d’événements professionnels existants.

Axe 3 : Prévenir les risques professionnels, en repensant l’organisation de l’offre de médecine de santé au travail et en sensibilisant l’écosystème

L’identification d’indicateurs sur la santé des professionnels de santé apparaît comme “un outil primordial afin d’objectiver la qualité de la démarche menée au sein d’un établissement ou en ville”, notamment en s’appuyant sur des dispositifs existants.

La mission recommande également de repenser l’organisation et l’offre de médecine de santé au travail sur le maillage territorial. Elle propose d’”investir et de développer une véritable équipe pluridisciplinaire de prévention en santé au travail”, avec un médecin de santé au travail, des IPA en santé au travail et des infirmier.e.s en santé au travail.

Enfin, la mission rappelle que la “ prévention des risques professionnels est l’affaire de tous” et qu’il est important d’impliquer l’ensemble des acteurs. Cela passe par exemple par le soutien aux démarches de création et d’innovation individuelle et collective, le développement d’appels à projets via les ARS et la création de liens entre l’hôpital, la ville et l’entreprise afin de créer des synergies d’innovation.

Axe 4 : Organiser pour tous les professionnels de santé un accès et une offre de prévention et de soins.

Repenser l’accès aux soins des professionnels doit d’abord passer par la promotion des programmes de prévention. Parmi eux, la mise en place d’une restauration adaptée aux besoins des professionnels dans les établissements et d’espaces d’activité physique, une attention toute particulière au travail de nuit et enfin les rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie.

En outre, il apparaît utile “de s’appuyer en complément sur une offre de santé territoriale dédiée aux professionnels de santé en dehors du lieu de travail”, à l’image de la Maison Santé Prévention de l’hôpital Foch ou de la Maison des Soignants de l’Association SPS.

La mission propose également d’intégrer les actions de prévention, de promotion de la santé et de soins à destination des étudiants en santé dans tous les cursus de formation, notamment sur les comportements à risque,l’hygiène alimentaire, la santé sexuelle, la sécurité sur les réseaux sociaux, et les situations de précarité ou de pauvreté. Différentes actions auprès des étudiants en santé doivent être renforcées, en lien avec la CARSAT, la CNAM, l’INRS et les services de santé universitaire. La mission propose par exemple de “mettre en place une formation aux premiers secours en santé mentale afin de développer la capacité d’entraide entre futurs professionnels.”

Enfin, une attention toute particulière doit être portée sur la prévention, la promotion de la santé et de soins des femmes professionnelles de santé et étudiantes en santé. “L’adaptation de chaque contenu de prévention et de promotion de la santé doit intégrer systématiquement les spécificités féminines afin d’être le plus global et engageant possible au sein des organisations.” souligne la mission. Elle encourage aussi à accompagner les grossesses et maternités, d’accélérer la promotion de dispositifs d’accès aux dépistages des cancers féminins et de poursuivre les politiques publiques de reconnaissance et les moyens de lutte contre le sexisme et le harcèlement.

Axe 5 : Repenser et mieux utiliser l’architecture organisationnelle et financière d’accès à la prévention et aux soins pour nos professionnels de santé

Pour répondre à cet objectif, la mission propose d’abord d’assurer un accès facilité à la prévention en santé et à la gestion des maladies professionnelles pour tous les professionnels de santé. Cela passe par la mise en place de dispositifs comme MonParcoursPsy, un accès 24h/24 et 7j/7 à un service confidentiel d’écoute, la mise en oeuvre de la réforme de la protection sociale complémentaire ou encore la création d’une plateforme unique réunissant différentes formes d’aides (psychologiques, financières…).

La mission recommande également d’agir sur la prévention de l’usure professionnelle spécifique pour les professionnels de santé, en mobilisant le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu).

Enfin, la mission souhaite développer une étude d’impact systématique des politiques de prévention envisagées pour “mesurer l’effet potentiel des politiques déployées sur les accidents du travail et arrêts maladies mais aussi sur toutes les pathologies auxquelles peuvent être confrontés les professionnels.”

Axe 6 : Assurer un pilotage transversal des actions dédiées à la santé des professionnels de santé

Pour assurer et suivre la mise en oeuvre des actions dédiées à la santé des professionnels, la mission demande un pilotage des recommandations de ce rapport par une instance ministérielle.

Enfin, la mission souligne l’importance de déployer la stratégie localement, avec une attention particulière donnée aux professionnels de santé libéraux et/ou isolés. Pour ce faire, la mission recommande “d’intégrer la dimension de la santé des professionnels de santé et des étudiants dans les domaines compétence des conseils territoriaux de santé qui devront en avoir l’entière responsabilité.

Conclusion

La synthèse du rapport met en évidence que l’amélioration de la santé des professionnels de santé est l’un des principaux leviers de fidélisation et d’attractivité pour ces métiers. En outre “engager des actions en faveur de la santé de ces professionnels bénéficie au quotidien de travail en créant les conditions favorables d’exercice et de bienveillance dans un environnement où la notion de prévention est centrale. Une forme de juste retour, individuel et collectif, pour toutes celles et ceux qui soignent les autres.

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